Pourquoi le patrimoine linguistique agrémente la beauté du voyage ?
La disparition d’une majorité des langues du monde est une des éventuelles échéances en ce qui concerne la probabilité d’évolution linguistique d’ici une cinquantaine d’années. Pour certains proclamer une urgence dans ce domaine est bien exagéré. Et il n’est donc pas nécessaire de mettre en œuvre une politique allant dans le sens de la sauvegarde des richesses linguistiques, car la mort des langues serait un phénomène naturel. C’est pour eux une réalité historique. Cependant, des études dirigées par des linguistes ont démontré que le contexte politique et économique de la planète annonce une perte croissante du patrimoine linguistique dans les années à venir. Le processus de mondialisation a en effet un impact considérable sur la vitalité des langues.
« Une langue ne se limite pas aux mots. C’est une culture, une tradition, l’unification d’une communauté, une histoire entière qui constitue ce qu’est une communauté, le tout réuni dans une langue. »
Noam Chomsky
Considérer la valeur des langues du monde
La disparition des langues doit être sérieusement considérée car les langues du monde constituent une part importante du patrimoine immatériel de l’humanité. Face à ce phénomène, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 2008, l’Année internationale des langues dont la coordination a été confiée à l’UNESCO. L’agence a ainsi mis en œuvre un programme pour la préservation et la valorisation du patrimoine linguistique, constatant l’importance du respect de la diversité des cultures pour l’enrichissement de l’humanité. Les langues ne sont pas seulement des outils extrêmement propices à la communication entre les individus, elles reflètent aussi une perception et une représentation du monde, une identité culturelle.
Il y donc une valeur symbolique lorsqu’on maintient ou préserve une langue : cela représente un trésor national pour les communautés dont la langue a été préservée. D’après des études sur la question des langues en danger, 50% des 6700 langues du monde sont sérieusement en danger et sont susceptibles de disparaître d’ici une à quatre générations. Que faire face à la menace d’une perte considérable du patrimoine linguistique mondial ?
La perte de la diversité linguistique est comparable aux espèces biologiques en danger sur la planète, bien que les linguistes soient moins pris en considération que les biologistes. Les zones géographiques de la planète ayant une forte densité linguistique correspondent également aux zones où il y a le plus de biodiversité. On parlera alors de diversité biolinguistique, c’est-à-dire des corrélations entre les mondes linguistique et biologique.
Le patrimoine linguistique mondial en danger
L’UNESCO estime que 90% des langues actuelles seront liquidées au cours de ce siècle car le rythme d’extinction des langues va atteindre un rythme sans précédent. Le pire, c’est que l’on ne le remarquera certainement pas, car la disparition d’une langue ne représente jamais un évènement spectaculaire. On peut parler cependant d’un véritable « cataclysme » qui se produira dans l’indifférence générale. On estime qu’une langue ne peut survivre qu’à la condition de compter au moins 100.000 locuteurs. Or, sur les 6700 langues actuelles, la moitié compte moins de 10.000 locuteurs. Les causes de la disparition des langues sont multiples et complexes.
La répartition des langues
Les répercussions de la globalisation sont également observables en ce qui concerne les « grandes » et les « petites » langues. En effet, une inégalité d’un point de vue statistique : les douze premières langues du monde sont parlées par près de 65% de la population mondiale, ou dit autrement environ six mille langues parlées dans le monde le sont par approximativement 35% de la population mondiale.
Mais cette inégalité existe aussi d’un point de vue social, certaines langues sont dominées, d’autres reléguées à des fonctions grégaires, il y en a qui ne sont pas écrites ni utilisées dans l’enseignement. Et enfin inégales d’un point de vue des représentations dont elles ne font pas l’objet : certaines sont considérées comme prestigieuses d’autres non, d’autres sont revendiquées par leurs locuteurs et d’autres sont abandonnées…Et la mondialisation accroît ces inégalités entre les langues, tout en renforçant la langue hypercentrale, l’anglais.
Tableau 1 : les douze langues ayant le plus de locuteurs
Personnes pratiquant
la langue* | Personnes dont c’est
la langue maternelle | Pourcentage de personnes
dont c’est la seconde langue | |
Mandarin | 930 | 827 | 11 % |
Anglais | 463 | 319 | 31 % |
Hindi | 400 | 327 | 18 % |
Espagnol | 371 | 326 | 12 % |
Russe | 291 | 172 | 40 % |
Arabe | 214 | 182 | 14 % |
Bengali | 192 | 184 | 4 % |
Portugais | 179 | 167 | 6 % |
Malais | 152 | 49 | 67 % |
Japonais | 126 | 125 | 0 % |
Français | 124 | 72 | 41 % |
Allemand | 120 | 98 | 18 % |
Source: « The World Almanach »S.Culbert, University of Washington, 1994.
Tableau 2 : Observation de la répartition des langues et de la population dans le monde
Continent | Population (2000) | Langues
vivantes | Pourcentage |
Asie | 3,6 milliards | 2165 | 33 % |
Afrique | 780 millions | 2011 | 30 % |
Pacifique | 30 millions | 1302 | 19 % |
Amérique | 828 millions | 1000 | 15 % |
Europe | 728 millions | 225 | 3 % |
Total | 6 milliards | 6703 | 100 % |
Source : Ethnologue, 13eédition, Barbara F. Grimes Editor, Summer Institute of Linguistics Inc.
L’inégalité de la diffusion géographique des langues
Nous pouvons préciser dans ce point, l’inégalité de la diffusion géographique des langues. L’anglais, par exemple est une langue importante à la fois par le nombre de ses locuteurs (322 millions) et par son expansion : plus de 65 pays répartis sur les cinq continents. Alors que l’hindi, autre exemple, est une langue importante que par son nombre de locuteurs (182 millions), étant limité à un seul état : l’Inde.
Mais il y a encore d’autres inégalités à observer en ce qui concerne les langues du monde. En effet, il y a une inégalité numérique, car sur la totalité du patrimoine linguistique, seulement huit langues sont parlées par plus de 100 millions de locuteurs : le chinois mandarin, l’espagnol, l’anglais, le bengali, l’hindi, le portugais, le russe et le japonais.
Il existe différents types de fonctions que l’on peut attribuer à une langue : langue véhiculaire, langue coloniale, langue d’enseignement, langue scientifique, langue militaire, langue officielle, langue sacrée, langue nationale, langue internationale. Et plus une langue a de fonctions, plus elle hausse son statut. Sur la totalité des langues du monde, seulement 200 ou 300 langues possèdent plus d’une fonction ; dont une soixantaine en possèdent plusieurs. Il s’agit des langues reconnues officiellement par les Etats. Nous pouvons dire que plus une langue compte de locuteurs, plus elle se trouvera élevée dans les hiérarchies culturelle, économique, militaire et politique. Elle se trouve ainsi en position de force pour résister aux puissances assimilatrices des autres langues.
La vitalité des langues
Le niveau de disparition d’une langue peut se mesurer selon une échelle allant de la stabilité à l’extinction. Le critère de la vitalité étant directement lié au nombre de ses locuteurs. C’est ainsi que la vitalité d’une langue est liée à son développement et à sa diffusion.
Tableau 3 : Niveau de vitalité d’une langue déterminée par le facteur de transmission
Niveau de vitalité | Transmission de la langue d’une génération à l’autre | |
sûre | La langue est parlée par toutes les générations ; la transmission intergénérationnelle est ininterrompue | |
vulnérable | La plupart des enfants parlent la langue, mais elle peut être restreinte à certains domaines (p.e. la maison) | |
en danger | Les enfants n’apprennent plus la langue comme langue maternelle à la maison | |
sérieusement en danger | La langue est parlée par les grands-parents ; alors que la génération des parents peut la comprendre, ils ne la parlent pas entre eux ou avec les enfants | |
en situation critique | Les locuteurs les plus jeunes sont les grands-parents et leurs ascendants, et ils ne parlent la langue que partiellement et peu fréquemment | |
éteinte | Il ne reste plus de locuteurs |
Source : UNESCO.
La vitalité des langues varient considérablement selon la situation des communautés de locuteurs. La communauté linguistique peut examiner ces facteurs pour évaluer sa situation linguistique et décider d’éventuelles mesures à prendre. Et d’un point de vue externe, ces facteurs permettent d’évaluer le degré d’érosion d’une langue pour mieux la soutenir.
L’état linguistique du monde
Le plurilinguisme est le reflet le plus fidèle du multiculturalisme. Les langues ne sont pas seulement le moyen privilégié de communiquer entre les humains, elles incarnent la vision du monde de leurs locuteurs et leurs identités culturelles. Malgré toutes leurs parentés, elles reflètent différemment la réalité. Et elles restent pour les générations futures un patrimoine irremplaçable que nous nous devons de protéger et de sauvegarder.
Un proverbe hawaïen exprime I ka’olelo no ke ola ; i kaolelo no ka make, qui signifie « la langue est le berceau de la vie ; la langue est le berceau de la mort »
Depuis la nuit des temps, les langues naissent, évoluent et meurent avec les sociétés dont elles sont issues. Mais leur disparition atteint aujourd’hui un rythme sans précédent que la mondialisation accélère remarquablement.
La mondialisation : une entrave à la diversité culturelle et linguistique
La mondialisation, c’est l’extension planétaire des échanges qu’ils soient culturels, politiques, économiques ou autres. N’oublions pas que la disparition des langues est un fait éternel, sans rapport avec la mondialisation. Mais ce que nous pouvons observer, c’est que la mondialisation multiplie et accélère les échanges internationaux, et d’un point de vue linguistique, elle fixe la valeurdes langues, pousse à l’acquisition de nouvelles langues et crée une ambiance propice à ces disparitions. On parle alors de langues dominantes et de langues dominées. Quant à l’acquisition de nouvelles langues, cela sous-entend qu’il y a une grande sélection parmi l’ensemble des langues.
Et ce choix amène les individus à apprendre des langues de sociétés économiquement puissantes. C’est la « loi du marché », « un marché » au sens boursier du terme, sur lequel les langues sont hiérarchisées.
Les données du problème sont aujourd’hui devant nous et l’état linguistique du monde à l’heure de la mondialisation est ainsi : il y a un club fermé de quelques « grandes » langues et une multitude de « petites » langues. De plus, cette extension planétaire des échanges apparaît comme une entrave à la diversité culturelle et linguistique car l’accès d’un nombre croissant d’individus à des réseaux de communication et d’information communs conduit à l’émergence d’une « culture commune » marquée notamment par le recours à « un anglais de communication ».
Certains y voient un risque d’appauvrissement de la diversité culturelle, le terme de civilisation universelle étant en soi objet de polémique.
En remontant dans le temps, on s’aperçoit que le déclin de la diversité linguistique a été considérablement accéléré par les conquêtes colonialistes européennes qui ont au moins éliminé 15% des langues parlées à l’époque. Déployant de gros efforts pour instaurer une langue officielle dans l’éducation, les médias et l’administration, les gouvernements ont consciemment visés l’élimination des langues minoritaires. La colonisation étant annoncée alors comme génératrice de la rapide disparition des langues. Mais il n’est pas juste de penser que le colonialisme est la cause première de la disparition des langues.
A notre époque, dix langues en moyennemeurent chaque année sur la Terre. Plus de 50% des 6700 languesdu monde sont sérieusement en danger et sont susceptibles de disparaître dans une à quatre générations.
Avec elles disparaissent des trésors culturels : « le monde est une mosaïque de visions et chaque vision s’incarne dans chaque langue. »
Parce que le processus de disparition des langues s’emballe, en raison de l’expansion économique et culturelle de quelques pays dominants allant de paire avec la prépondérance de leur langue, un sursaut international est requis. Car les langues sont le vecteur de mémoires, de traditions, de connaissances et de compétences. Par conséquent elles constituent un facteur déterminant de l’identité des individus et groupes. La préservation de la diversité linguistique des différentes sociétés sur la planète contribue à la diversité culturelle et l’UNESCO considère cette diversité linguistique comme un impératif éthique universel et essentiel au développement durable dans un monde aujourd’hui en pleine globalisation.
Le versant linguistique de la mondialisation
Il est possible d’identifier deux retombées linguistiques de la mondialisation. D’une part, il s’agit de l’organisation du « marché aux langues » qui fait qu’une poignée d’entre elles jouit d’un grand nombre de fonctions, et d’autre part de la place centrale de l’anglais. En quoi pouvons nous dire que la mondialisation agit sur le plan des situations linguistiques ? Nous présenterons ainsi quelques unes de ces fonctions, et puis nous orienterons l’observation sur l’anglais en tant que première langue d’échange à l’échelle mondiale.
Le flux des traductions
Tout d’abord, considérons le flux des traductions dans le monde comme un système international. Dans son analyse, Johan Heilbron souligne le fait que 40% des ouvrages traduits dans le monde le sont à partir de l’anglais. Suivent le français, l’allemand et le russe, dont chacune est à l’origine de 10% à 12% des traductions. Donc les trois quarts des livres traduits dans le monde le sont à partir de quatre langues. Cependant, les langues les plus parlées ne sont pas nécessairement celles que l’on traduit le plus : on traduit peu en chinois, en arabe, en portugais ou en japonais. Le marché mondial de la traduction nous fournit une image des rapports entre les langues, qui ne s’expliquent pas uniquement par la statistique des locuteurs.
La mondialisation a donc des répercussions sur le flux des traductions, favorisant la traduction d’ouvrages dans un nombre très restreint de langues. Face à ce frein de la diversité linguistique, l’UNESCO tente par le biais de ses actions, de promouvoir la littérature et les traductions, et d’encourager les éditeurs à imprimer et à diffuser des travaux dans les langues locales.
D’autres effets sur les situations linguistiques s’observent avec la mondialisation des réseaux de communication :
La question des langues se pose avec acuité. Aujourd’hui, dans de nombreuses régions du monde, le fait de connaître certaines langues (nous sous-entendons par là les langues dominantes), peut ouvrir des perspectives à de larges fractions de la société. Leur ignorance peut à l’inverse être un facteur de marginalisation. Ce phénomène est susceptible de renforcer l’exclusion et d’accentuer les disparités entre les peuples et les communautés. Il faut donc promouvoir le multilinguisme et l’accès universel à l’information dans le cyberespace.
De nos jours, plus de 90% du contenu sur Internet, existe en douze langues uniquement, ignorant ainsi les autres langues du monde, qui se voient exclues de cet important media.
Le secteur de la communication et de l’information vise donc un élargissement de l’accès à l’information dans toutes les langues sur le réseau Internet, à augmenter le nombre de sites et de portails aux contenus et aux caractères multilingues. L’audiovisuel étant aussi pris en considération par les politiques linguistiques. En effet, l’espace audio visuel est un lieu quasi idéal de la coexistence et du partenariat des langues comme de la préservation de la diversité culturelle. Toutes les langues peuvent trouver leur place et leur fonction dans le paysage audio visuel. La télévision peut être un outil majeur d’une gestion réussi de la diversité linguistique.
Le développement du tourisme
Une autre caractéristique de la mondialisation c’est le développement du tourisme, qui lui aussi entraîne certaines conséquences dans les situations linguistiques actuelles. En effet, le tourisme de masse est un secteur qui n’a cessé de se développer ces dernières années. Mais le tourisme actuel ne prend pas suffisamment en compte l’aspect « écotouristique » des échanges. C’est-à-dire qu’il y a très peu de sensibilisation auprès des touristes pour leur faire prendre conscience de l’influence que va créer leur démarche dans les cultures qu’ils vont côtoyer.
Nous pouvons observer aujourd’hui des répercussions sur la situation linguistique de certains pays qui ne vivent qu’essentiellement du tourisme. Prenons l’exemple de la Thaïlande : l’affluence touristique y est très importante et la majorité des touristes ne communiquent qu’au moyen de l’anglais. Ce qui peut être constaté, c’est que les nouvelles générations en Thaïlande, considèrent comme secondaire d’apprendre leur langue maternelle et elles se concentrent beaucoup plus sur l’apprentissage de l’anglais. Il devient alors impératif face à de telles situations, de soutenir les langues locales et de sensibiliser les populations qui voyagent sur le rôle actif de leur démarche.
Ce processus de promotion et de régression des langues a toujours existé mais la mondialisation transforme un phénomène conjoncturel en un phénomène structurel. Ce n’est donc pas la « mort » des langues qui caractérise le plus la mondialisation dans ses aspects linguistiques mais plutôt la redistribution fonctionnelle, qui met en danger la vitalité des langues. De plus, à trop parler de versant linguistique de la mondialisation, on risque en effet d’oublier que les langues n’existent que par leurs locuteurs. Il faut donc aussi responsabiliser les locuteurs plutôt que de les culpabiliser ou de vouloir les protéger malgré eux.
La sauvegarde des langues et le développement durable
En 1964, on voit apparaître le terme d’écologie linguistique. Puis en 1970, celui d’écologie des langues. Ces notions déterminent les objectifs de survie et de développement des langues et des communautés linguistiques. Elles semblent très distinctes de l’écologie en général, mais l’écologie en général est aussi intéressée par les thèmes de survie et de protection.
La préservation des langues fait partie de l’écologie humaine. Les causes premières de la disparition d’une langue ne sont donc pas que linguistiques : le signe d’un bouleversement social peut avoir des conséquences environnementales, économiques ou politiques. Dans le but d’un avenir politique et linguistique autour de l’interculturalité de la mondialisation, il faut d’abord identifier clairement ce qui est ou qui n’est pas « écologique » pour les langues et leurs locuteurs de communautés linguistiques minoritaires. À l’intérieur de quel modèle écologique la langue se trouve-t-elle où se place-t-elle ?
La dynamique écologique des langues a pour idées, une solidarité dont les présupposés se gardent d’être concurrentiels et aussi que les communautés linguistiques construisent leur avenir avec les autres communautés. Si l’écologie des langues fonctionne comme un idéal, elle permettra graduellement l’éclosion de politiques linguistiques de solidarité et ce, à long terme, dans un réseau grandissant de soutien et de protection.
La diversité des cultures et des langues
La notion de diversité dans le développement durable renvoie normalement aux organismes vivants et à leurs habitats, donc à la diversité biologique, mais pourquoi ne pas la lier à la diversité des cultures et des langues ? On définit généralement le développement durable de façon trop simpliste, définition qui s’arrêterait seulement à une dimension écologique, à ce qui concerne donc la protection de la nature. Pourtant, c’est un domaine qui contient également d’autres investigations concernant aussi les dimensions sociales, culturelles, politiques et économiques.
D’après l’UNESCO, la biodiversité et la diversité culturelle sont deux conditions essentielles du développement durable ; les diversités biologiques et culturelles se renforcent mutuellement et sont profondément interdépendantes. Les langues et le développement durable ont ainsi une connexion interactive, et s’influencent dans un sens positif.
La diversité biolinguistique
Les régions riches en langues tendent également à être riche en biodiversité. Cette richesse est maximale sous les tropiques pour décroître jusqu’aux pôles. On parle alors de zone de diversité biolinguistique commune. Comment cette zone s’est-elle formée ? Plus l’environnement physique est hétérogène, plus on y trouve d’espèces différentes. Il en va de même pour la terre et pour la mer. L’hétérogénéité de l’environnement physique rend possible l’existence d’un plus grand nombre de microenvironnements qui peuvent donner vie à davantage d’espèces. Les écosystèmes locaux contiennent des populations de différentes espèces, chacune jouant un rôle différent dans le recyclage des substances nutritives et le renouvellement d’énergie du système.
La diversité linguistique est un élément important de ce modèle de richesse et de stabilité. En effet, les langues comme les espèces sont adaptées à leur environnement. Comme les espèces, les langues peuvent occuper des niches écologiques. Peu importe que le nombre d’individus parlant une langue soit relativement minime, c’est la variété qui compte. Nous pouvons donc trouver un grand nombre de langues sous les tropiques, parlées par peu de locuteurs.
Les écosystèmes locaux
Aujourd’hui, tous les hommes, excepté quelques sociétés de chasseurs-cueilleurs, vivent en dehors de leurs écosystèmes locaux. La Terre entière est devenue un vaste écosystème local et toute notre espèce fonctionne comme une population massive et unique. Cependant, comme nous sommes pour la plupart déconnectés des écosystèmes locaux, nous ne voyons pas combien il est important de les préserver. Les pays développés exploitent au maximum les ressources mondiales pour leur consommation. De ce fait, ils détruisent rapidement des habitats contenant une grande partie de la diversité biolinguistique du monde. Le taux de destruction des forêts tropicales est donc alarmant. Ces forêts disparaissent donc ce sont aussi les animaux qui sont concernés par cette destruction, et les peuples vivant de la chasse et de la cueillette ne peuvent plus survivre dans leur milieu naturel. Ils s’éloignent alors de leur environnement local.
Si les peuples indigènes du monde sont en train de s’éteindre ou d’être assimilés par la civilisation moderne, ce sont leurs langues et leurs traditions qui disparaissent aussi. Leur environnement local ayant été détruit, ils ne peuvent plus vivre en autosubsistance. L’abandon des modes de vie traditionnels a entraîné la perte de certaines langues. Depuis 1900, 90 des 270 tribus indiennes du Brésil ont complètement disparu. Plus deux tiers des tribus restant comptent moins de 1000 membres.
Les corrélations entre diversité biologique et diversité linguistique sont extrêmement frappants. Les richesses sont concentrées aux mêmes endroits et dans le cas où il y aurait des activités déstabilisantes dans ces régions entraînent des conséquences qui peuvent se révéler catastrophiques.
Quel avenir pour les langues du monde ?
Cette entrave à la diversité culturelle et linguistique semble dessiner un avenir dans lequel il n’y aurait, face à la langue de la mondialisation que des langues régionales, identitaires, les langues supercentrales ayant été laminées, ou du moins limitées dans leur extension et dans leur fonction.
L’idée que les langues puissent « mourir » n’étonnera personne puisque le vocabulaire général nous parle précisément de langue morte définie par un dictionnaire technique comme « une langue qui a cessé d’être parlée. Mais dont le statut dans une communauté socioculturelle est parfois de jouer un rôle dans l’enseignement, dans les cérémonies rituelles, etc., comme le latin », le grec, le sanscrit ou l’arabe classique. Une langue morte est une langues écrite, c’est-à-dire qui a été écrite de son vivant et qui l’est éventuellement toujours, et qui n’est plus parlée. Toutefois, ces langues officiellement considérées comme mortes sont toujours parlées et écrites aujourd’hui, mais sous des formes qui étonneraient leurs premiers locuteurs. De plus ces langues mortes ne subissent plus de variations, leur état est figé.
Mais que dire des langues dont nous n’avons pas une idée exacte, des langues dont la mort n’est pas comparable à celle du latin ? Elles sont bien évidemment mortes, mais nous entendons par là qu’on ne les parle plus et qu’elles n’ont pas laissé de traces voire très peu. D’après L.J. Calvet, il y a trois façons pour une langue de disparaître : la disparition par transformation, la disparition par remplacement et la disparition par extinction. C’est ce dernier point qui nous intéressera dans cette observation ; lorsque dans certains cas les derniers locuteurs d’une langue meurent sans laisser de descendance et de traces de leur langue. Et cette idée que les langues puissent mourir nous mène à la métaphore des langues mourantes.
Il faut donc préciser que l’avenir linguistique est difficile à définir et qu’il est impossible pour un linguiste de savoir ce que sera la situation linguistique dans mille ans. Toutefois, il est possible d’imaginer notre avenir linguistique d’ici une vingtaine à une cinquantaine d’années, c’est-à-dire à la fois ce que nous pouvons prévoir et ce sur quoi nous pouvons tenter d’intervenir.
Les tendances probables de l’évolution des situations linguistiques
Nous avons donc présenté un certain nombre de facteurs dont nous pouvons penser qu’ils interviennent dans l’évolution des situations linguistiques. L’observation de ces indicateurs peut-elle nous fournir une idée de l’état linguistique du monde dans une cinquantaine ou une centaine d’années? Voici à présent la présentation de quelques tendances probables des futures situations linguistiques, émises par L.-J. Calvet. Son étude nous ramène à trois thèmes principaux concernant les probabilités d’évolution linguistique : celui d’une langue universelle, celui de la dialectalisation et celui du changement de domination.
L’idée d’une langue universelle n’est pas nouvelle, elle est apparue comme souhaitable avant de devenir une menace. Souhaitable d’abord pour l’Eglise catholique qui concevait une langue originelle, la lingua adamicaet qui unissait tous les être humains. La langue universelle sera aussi souhaitable pour certains philosophes et certains rêveurs. On trouve alors des rêveurs utopistes, imaginant une langue à la fois parfaite et unique ; et des rêveurs plus réalistes, inventeurs de langues artificielles : volapük, espéranto, ido, interlingua, etc. Cette recherche d’une langue universelle apparaît comme optimiste mais cependant ce thème est totalement montré du doigt de nos jours. En effet, l’idée d’une langue universelle est ressentie comme une menace, comme le danger d’une américanisation par la langue anglaise.
Les langues de grande diffusion sont soumises à un mouvement général de dialectalisation et d‘acclimatation. C’est-à-dire que la dialectalisation est un phénomène au cours duquel une langue prend des formes régionales différenciées. À partir du moment où une langue est largement diffusée et qu’elle est rentrée en contact avec d’autres langues, elle va alors connaître des transformations. C’est là une règle générale, plus une langue est parlée sur un vaste territoire et plus elle a tendance à se dialectaliser. Par le biais de la norme, des centralisations linguistiques, il est possible de mettre un frein à ce mouvement général mais ce n’est cependant pas suffisant pour y faire obstacle. La force de la norme est toutefois relative et elle ne peut s’opposer au phénomène de dialectalisation.
Le problème est de savoir si l’on parlera moins et dans quelles proportions. Si certaines langues disparaissent, nous percevons aujourd’hui les prémices de nouvelles langues, et en même temps nous voyons la menace d’un monolinguisme véhiculaire mondial. Mais la véhicularité universelle de l’anglais ne pourra pas échapper à un éclatement dialectal. Ensuite, il est possible d’envisager l’idée que les alliances entre grands ensembles linguistiques limiteront l’expansion de l’anglais.
Une autre hypothèse, complémentaire aux deux premières, concernerait la disparition d’un grand nombre de langues. Cette diminution drastique du nombre de langues mènera à terme, une situation où il y aurait une langue par pays, une langue par région autonome. Enfin, une autre tendance probable serait en rapport avec les nouvelles technologies et en particulier Internet, qui deviendraient des espaces de liberté dans lesquels toutes les langues pourraient se développe. À ce sujet Jacques Attaliparle de « babélisation libératrice ». Mais cela profitera tout de même à un nombre limité de langues et le fait d’être utilisées ainsi ne changera pas leur fonction grégaire. Ces probabilités d’évolution des langues nous amènent à la question suivante : face à une dialectalisation généralisée, y aura-t-il une langue dominante mondiale ?
La menace du monolinguisme
De grandes entreprises et des institutions financières des pays anglophones dominent le commerce mondial et ont fait de l’anglais la langue internationale du négoce. De même que jusqu’en 1995, il était difficile de communiquer par Internet dans une langue ayant un alphabet différent de l’alphabet anglais standard.
À cause de la large diffusion de quelques langues comme l’anglais, le français ou le chinois, une multitude de langues meurent. Ce changement radical dans les sociétés humaines ne vient pas d’une sélection dite naturelle mais plutôt de la vitesse inégale des évolutions sociales entre pays développés et pays en voie de développement. Jonathan Pool écrivait dans un article sur la diversité des langues, publié au début des années 70, la déclaration suivante : « Un dirigeant souhaitant préserver le pluralisme culturel et linguistique doit se préparer à sacrifier le progrès économique. »L’auteur estimait que la diversité des langues et des peuples allait à l’encontre des perspectives de développement économique. Doit-on accepter la disparition de ces langues peu répandues dans le monde ? Pourquoi s’inquiéter de la menace d’une langue véhiculaire mondiale ?
Au contact d’une culture dynamique et économiquement plus forte, les individus prennent l’initiative d’apprendre la langue de la culture dominante, parfois ils abandonnent leur langue maternelle et ne l’enseignent plus à leurs enfants ; dans le but généralement de trouver un emploi. La situation est pire lorsque les autorités découragent systématiquement l’usage des langues locales à l’école, dans le gouvernement local et dans les médias. D’après le Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme sur les questions d’éducation, il est nécessaire de souligner le caractère essentiel de l’enseignement bilingue ou multilingue pour former des citoyens respectueux de la diversité, en estimant que l’imposition d’une seule langue était une démonstration d’intolérance structurelle.
Quel est votre rapport avec la découverte des langues lorsque vous voyagez ? Ressentez-vous de la curiosité à découvrir de nouveaux mots ? Ou au contraire, éprouvez-vous quelques difficultés ? N’hésitez pas à échanger sur ce sujet en écrivant votre message en commentaire ci-dessous !