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Patrimoine,  Savoir-Faire

Reconversion du patrimoine industriel en collectif artistique⎢Les Landes

Passionnée par le patrimoine industriel et les possibilités de reconversion de ces lieux atypiques, je suis allée dans les Landes à la rencontre d’un collectif d’artistes. La rencontre des artistes avec la ligne architecturale et l’histoire de l’industrie, se caractérise la plupart du temps par l’émergence d’un mouvement culturel empreint d’art et de politique. Rénover, réinvestir et reconvertir le patrimoine industriel, laisse aussi la place à ce que l’on nomme parfois « les nouveaux territoires de l’art ». C’est-à-dire des lieux créatifs où les artistes explorent leur expression artistique à travers la pensée libre. J’aime ce mariage entre l’architecture de ce patrimoine bâti et le développement des pratiques artistiques. Quelles sont  les thématiques que nous pouvons observer sur un lieu si singulier ?

En effet, il est possible de voyager dans le temps avec l’histoire issue de l’ère industrielle et découvrir des savoir-faire. Mais il est aussi possible de s’ancrer dans des dynamiques à la fois territoriales et artistiques. Comme nous l’avons déjà mentionné, s’intéresser aux savoir-faire locaux en voyage participe au développement d’un tourisme durable. Aussi, il est intéressant de se renseigner sur l’origine de certains savoir-faire. Et en quoi ils ont pu influencer les pratiques actuelles.

Patrimoine industriel et collectifs artistiques : la distillerie de résine à Roquefort

 patrimoine industriel

D’autres volumes, d’autres espaces, d’autres fonctions

 À travers les différents exemples de patrimoine industriel que j’ai pu explorer lors de mon parcours universitaire et lors de mes voyages, je propose dans cet article un type d’industrie peu commun. En effet, il y a une différence tant sur l’aspect architectural et patrimonial, que sur les possibilités de reconversion d’un site industriel.

La distillerie de Roquefort, dans les Landes, est un exemple de patrimoine industriel qui a pu se reconvertir dans différents projets. Ils sont le plus souvent liés aux pratiques culturelles, artistiques et artisanales. Et la particularité patrimoniale de ce site est d’appartenir à une industrie artisanale.

De nombreux collectifs artistiques participent à une dynamique de préservation et de valorisation du patrimoine industriel. Un patrimoine particulier qui tarde encore à être reconnu sous toutes ses formes. Avant de nous avancer vers cette thématique – qui est en fait notre réelle problématique et afin d’en rendre la compréhension plus aisée – je vous propose tout d’abord une approche de la notion de « collectif artistique».

Envisager la notion de « collectif artistique »

La notion de collectif artistique semble, d’après ce que nous avons pu entrevoir et ressentir lors de cette exploration, une notion qui reste floue. Aussi, elle est parfois mal comprise. En effet, les représentations collectives en ressortes sont parfois perçues négativement. En effet, la représentation générale ou commune relevée, se rapproche plutôt de la définition de « squat ». C’est-à-dire, une sorte de zone où règne l’anarchie, l’insécurité, le désordre. Lorsque j’ai mentionné cette recherche sur le collectif artistique, j’ai du éclairer la plupart des personnes sur la définition même de collectif.

Alors j’ai observé qu’il y a une réelle méconnaissance de ce mouvement culturel. D’où l’idée d’apporter une brève définition du collectif artistique, afin de situer correctement notre propos et de couper court aux amalgames.

L’apparition de ce mouvement culturel est au départ provoquée par un réel besoin d’un lieu de travail. En effet, certaines pratiques artistiques ne pouvaient se développer dans des lieux de cultures déjà existants. Ces pratiques sont souvent liées à des musiques actuelles, de cirques, de théâtres de rue, des expériences audio visuelles telles que le mélange du son et de l’image, etc. Ce besoin de lieu de travail coïncide avec des circonstances historiques favorables. En effet, il y a des bâtiments qui deviennent disponibles, des bâtiments industriels. Cette disponibilité ouvre le champ des possibles, car les espaces offrent une possibilité de s’exprimer.

Le désir de s’exprimer est face à une liberté totale.

Ces espaces différents offrent la multidisciplinarité. De là naît une cohabitation des artistes qui ont, parfois, des choix différents sur leur acte artistique. Ces lieux de travail favorisent ainsi les échanges et les rencontres interdisciplinaires. Ils enrichissent la création contemporaine. Donc il s’agit d’un espace d’ouverture pour l’artiste mais aussi de l’approche d’un public nouveau. Un processus de création a besoin d’écouter ce qui se passe au tour de lui. Et en retour il peut provoquer des forces sensibles chez ces personnes, vers un public avec qui ils créent des liens. Le processus de création a envie d’être en interaction avec les individus.

Un investissement poétique et artistique pour tourner la page

Ainsi il s’opère un retournement de situation pour ces espaces abandonnés, par la désindustrialisation des années 70-80. Des bâtiments avec des histoires lourdes, où les gens ont perdu leur emploi et où les quartiers deviennent tristes. Mais tout à coup, avec un investissement poétique et artistique, ce sont devenus des lieux qui attirent, des lieux dont on a envie. Une créativité locale émerge, des personnes veulent participer, devenir coordinateur de ces lieux pour permettre cette dynamique rassemblant différentes personnes. Ainsi nous nous posons la question sur ce que cet élan de vie suscite. Aussi quel est l’impact artistique sur le patrimoine industriel ?

 

Quel avenir pour le patrimoine industriel ?

De nouveaux espaces de création

Les collectifs artistiques à travers l’Europe explorent ces nouveaux espaces de création. Les artistes investissent ce patrimoine industriel et ils souhaitent en majeure partie s’intéresser à l’histoire de ces lieux. Et dans l’histoire de l’échec économique d’un territoire, nous trouvons des lieux qui deviennent des opportunités de « reconstruction » positive.

En ce qui concerne la question du patrimoine immatériel, il n’est pas question de préserver une mémoire dans ces espaces. Mais il est plus question de célébrer, d’honorer des gens sans les oublier. On rentre aussi dans le cadre du développement durable, mais dans le sens de la question des êtres humains à vivre ensemble. Ce qui se passe dans cette rencontre, entre l’architecture industrielle et l’aventure de la création contemporaine, est une réelle envie de se diversifier, de se multi-disciplinariser et d’interagir avec des gens sur un territoire. Concrètement, l’investissement des collectifs artistiques ne s’arrête pas à la dimension de la mémoire, elle s’opère aussi sur le bâti.

Les lecteurs de cet article ont aussi lu :  Comment être artiste et créer au service du monde rural?

La distillerie de résine à Roquefort l’illustre parfaitement. En 1998, la distillerie est en mauvais état, et la question de la raser commence à se poser. Devant la vétusté des lieux et la nécessité de dégager des espaces, il va falloir retrousser les manches, et trouver les moyens nécessaires pour restaurer et repenser les espaces. Le collectif a ainsi contribué durant ces dernières années à empêcher l’effondrement des locaux, et à préserver ainsi le patrimoine bâti.

 

La distillerie de résine à Roquefort

et l’industrie de la forêt dans les Landes

L’essor de l’industrie des papeteries à Roquefort dans les Landes, a été précédé par l’activité d’une petite usine de distillerie de résine. Un peu avant le développement industriel de la papeterie de Roquefort, à environ un kilomètre. L’environnement forestier était déjà exploité. D’un point de vue technique, l’activité liée à la distillerie de résine, une industrie artisanale, est le gemmage. Le gemmage est une action qui consiste à blesser le pin pour en récolter la résine. La résine est ensuite stockée, distillée pour la fabrication de l’essence de térébenthine et de la chaux.

La construction de la distillerie date de 1910-1912. Cette construction est antérieure à l’ère industrielle de la forêt dans les Landes, qui débute, elle, vers 1927. La distillerie de Roquefort est donc ancrée dans un patrimoine industriel relatif à l’industrie de la papeterie. « Les papeteries de Roquefort » ou l’histoire courte d’une industrie des Landes de Gascogne. Le massif forestier des Landes occupait alors une place prépondérante dans l’économie de la région. La papeterie de Roquefort fermera en 1974.

Au début du XXème siècle, l’industrie de la papeterie s’instaure sur la commune de Roquefort. Elle participe au bon développement économique de la commune. Dans le village, on raconte que le poste au plus bas de l’échelle de l’usine, rapporte plus que le travail de l’instituteur du village. Suite à sa fermeture, les conséquences économiques sont assez rudes et se font ressentir dans la région.

Le propriétaire actuel de la distillerie avait racheté les locaux à des fins professionnelles en 1980. L’activité de la distillerie n’était plus pratiquée, et l’ensemble des locaux ont été exploité en tant qu’atelier pour la fabrication de machines. C’est en 2004 que le fils de l’actuel propriétaire, Romain Louvet, comédien de profession, commence à s’installer sur ces lieux où il n’y a quasiment plus d’activité. Au départ, il entrevoit de créer un espace pour la pratique du théâtre. Puis, le projet se développe et fait place à un collectif artistique : l’AIAA.

 

L’Atelier d’Initiatives Artistiques et Artisanales

L’AIAA effectue un travail créatif et artistique autour du monde théâtral, de la musique, de la sculpture, d’ateliers d’illustrations, de projets cinématographiques et marionnettistes, etc. Au fil du temps, les locaux de la distillerie sont aménagés à cet effet. Le concept d’atelier est volontairement préservé. En effet, on y trouve un atelier de couture, un atelier de menuiserie, un atelier de sculpture. S’ajoute à la liste des diverses activités, une salle de répétition  pour les événements musicaux ou théâtraux. Et il y a une salle d’enregistrement. Autour de ces espaces de création, il y a les bureaux de l’association, un espace de vie partagé, dit « l’appartement », directement reliés à la résidence d’artiste. Autour de la distillerie on trouve une grange qui a un rôle de stockage. Puis un autre atelier loué pour une autre structure professionnelle.

À mon arrivée sur le site, Romain Louvet m’invite à visiter les locaux du collectif. Mais outre une description actuelle, il offre un voyage dans le temps, dans l’histoire de cet endroit. Les artistes du collectif ont aussi une réellement conscience du passé. L’ancienne peinture bleue sur les carreaux n’a pas été enlevée, car c’est un témoignage de la vie nocturne de l’atelier pendant la guerre et le couvre feu. Les conduits souterrains destinés au fonctionnement de la cheminée de la distillerie servaient de refuge pendant la guerre. Les anciennes voies ferrées pour le transport des matériaux ne sont pas oubliées. Et les pratiques artistiques peuvent parfois être inspirées du lieu.

Le collectif apprend, s’informe et entreprend des recherches pour connaître au maximum l’histoire de la distillerie. Le lieu n’a pas seulement été exploité pour son volume, l’espace n’a pas été aseptisé. Et dans cette idée de préservation de la mémoire des vies passées, le collectif a aussi fêter les 100 ans d’existence de la distillerie.

 

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